Engouement pour une gourou indienne : Amma, l’empire du câlin




Article du Monde diplomatique de novembre 2016par Jean-Baptiste Malet, pp. 1, 10-11 (4 567 mots)
Honorée par les Nations unies, invitée par le pape François, célébrée par les médias du monde entier, la gourou indienne Amma attire les foules, inspire les artistes et côtoie les plus grands dirigeants de la planète grâce à ses câlins prodigués à la chaîne lors d’événements de masse. Elle fait escale en France ce mois-ci.
De l’encens se dissipe dans l’atmosphère. Des musiciens entonnent des chants spirituels indiens hypnotiques. Et, au-dessus des têtes, tel un slogan, s’impose une immense inscription en lettres majuscules : « Étreindre le monde » — la traduction du nom de l’organisation internationale Embracing the World (ETW), personnifiée par sa cheffe religieuse, Mme Mata Amritanandamayi, plus connue sous le nom d’Amma (« maman » en hindi). Sous l’œil vigilant de ses gardes du corps patibulaires, Amma, vêtue d’un sari immaculé, est assise en tailleur sur un petit trône autour duquel se serrent, extasiés, ses dévots. Au cœur du Zénith Oméga de Toulon, plusieurs milliers de personnes patientent afin de se traîner, à genoux sur les derniers mètres, contre la poitrine de cette gourou indienne originaire de l’État du Kerala. Toutes sont venues recevoir le darshan, l’étreinte d’Amma devenue le symbole de son organisation. Celle-ci revendique plus de trente-six millions de personnes enlacées dans le monde.
La scène se passe en novembre 2015, en France, où la « mère divine » se rend tous les ans depuis 1987 dans le cadre de sa tournée mondiale. Mais les foules sont tout aussi denses en Espagne, en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas, en Finlande, en Italie, au Royaume-Uni, en Israël ou en Amérique du Nord. De juin à juillet 2016, l’« Amma Tour » a fait étape à Seattle, San Ramon, Los Angeles, Santa Fe, Dallas, Chicago, New York, Boston et Washington, avant Toronto et Tokyo.
Multinationale du câlin, ETW impressionne par sa rigueur logistique. Partout où passe la caravane d’Amma, de gigantesques cuisines industrielles mobiles, dignes d’une intendance militaire, entrent en action. Des centaines de bénévoles travaillent aux fourneaux ; d’autres servent et vendent des repas indiens végétariens par milliers, tandis qu’Amma, sur son trône, reproduit inlassablement le même geste : elle enlace tous ceux qui détiennent un bon, délivré gratuitement, permettant de recevoir le darshan après plusieurs heures (...)
Article du Monde diplomatique de novembre 2016par Jean-Baptiste Malet, pp. 1, 10-11 (4 567 mots)

Inside Baba Ramdev’s Patanjali empire

Baba Ramdev is parlaying his popularity as a yoga guru to build a consumer products empire that’s up against global giants like Unilever and Colgate

 http://www.livemint.com/Companies/hLEBBx17cFY5rPjTjmIP9O/The-Patanjali-story.html
 
Sounak Mitra
First Published: Fri, Jun 03 2016. 01 22 AM IST


Les doctrines du salut à l’origine du totalitarisme et du terrorisme


Après Gustave Le Bon et Serge Moscovici, Ali Harb, philosophe et écrivain libanais, s’empare à son tour des théories de la psychologie des foules dans un livre intitulé « Le Terrorisme et ses créateurs : le prédicateur, le tyran et l’intellectuel ».

Selon lui, les religions monothéistes et les grandes idéologies du XXème siècle sont des doctrines du salut, des systèmes de pensée qui prétendent détenir la vérité absolue. Le sort de ces doctrines sacrées ou pensées fanatiques est de se transformer en régime totalitaire ou en organisation terroriste.

 Ali Harb : « L’islam ne peut pas être réformé » in L'Orient Littéraire | Tarek Abi Samra | 13/03/2016
 http://www.lorientlejour.com/article/975213/ali-harb-lislam-ne-peut-pas-etre-reforme-.html
 Extraits :

 (…) Selon [Ali Harb] cet écrivain et philosophe libanais (…) il faudrait (…) aborder l’islam (…) en tant que doctrine du salut, c’est-à-dire comme un système de pensée qui, à l’instar du christianisme et du judaïsme, mais également des « religions » du XXe siècle telles que le communisme et le fascisme, prétend détenir la vérité absolue. 

 « (…) le terrorisme est surtout une attitude intellectuelle, celle de l’homme qui se croit le seul possesseur de la vérité absolue, le seul autorisé à parler en son nom. Cette vérité pourrait relever du domaine religieux, politique, social ou moral ; elle pourrait concerner Dieu, la nation, le socialisme, la liberté ou l’humanisme. Le terrorisme est également une manière d’agir : celui qui se croit l’unique possesseur de la vérité se comporte avec l’autre, le différent ou l’opposant, en ayant recours à une logique de l’exclusion (…). 

La devise du terroriste : pense comme moi, sinon je t’accuse et te condamne. C’est en ce sens que le terrorisme est perpétré par le prédicateur détenteur d’un projet religieux, le tyran porteur d’un projet politique, ou l’intellectuel promoteur d’un projet révolutionnaire pour transformer la réalité. Le prédicateur excommunie, le tyran condamne et déclare quelqu’un comme traître, l’intellectuel théorise et le militant ou le jihadiste agit et tue. D’ailleurs, le sort de toute pensée fanatique, de toute doctrine sacrée, est de se transformer en un régime totalitaire ou en une organisation terroriste. 

(…) Les promoteurs des nouveaux projets religieux ont sans doute été influencés par les exemples de Franco, d’Hitler et de Mussolini, par leurs moyens de gouverner et leurs techniques de contrôler les hommes en les mobilisant et les remodelant pour en faire un troupeau scandant inlassablement un même slogan. Ce dualisme du dirigeant déifié et de la foule qui l’adore est une création assez récente. Mais d’un autre côté, les régimes totalitaires, malgré la modernité et la laïcité de leurs projets, sont une rémanence de la pensée religieuse, comme en témoigne la sacralisation de leurs doctrines et de la figure du dirigeant unique. (…) 

Toute religion monothéiste est en soi, de par sa définition même, un réservoir inépuisable de pratiques violentes. C’est l’une de ses potentialités toujours présentes, une sorte de virus logé au sein de ses gènes culturels. Tant que la religion est fondée sur l’exclusion de l’autre, sur le dualisme du croyant et de l’impie, du fidèle et de l’apostat, il est impossible de la comprendre autrement. (…) 

Par ailleurs, je suis très critique à l’égard du concept de « tolérance », l’un des scandales de la pensée religieuse en général, puisqu’il implique une sorte d’indulgence de la part du croyant envers l’autre différent de lui, tout en considérant en son for intérieur que cet autre est un pécheur, un impie et un renégat, ou même une honte pour l’humanité. Ainsi, la tolérance annule toute possibilité de dialogue ; seule la pleine reconnaissance d’autrui permet à quelqu’un de briser son narcissisme, de dialoguer avec l’autre, de l’écouter et d’en tirer bénéfice afin de créer des espaces de vivre-ensemble d’une manière fructueuse et constructive. (…) »